Il revient le joli mois de Mai. Comme tous les ans, bien sûr.
Et comme tous les ans il commence en fanfare par ces majestueuses cohortes de
porteurs de banderoles vociférants qui se répandent allégrement dans les rues
paisibles de nos villes momentanément désoeuvrées.
Grand moment de la liturgie marxiste, le Premier Mai trouve toujours un thème pour
fédérer les énergies des travailleurs naturellement portés à préférer la grasse matinée
au défilé revendicatif sur pavé urbain. S'agissant de la liturgie marxiste, vous
m'objecterez que si les manifestations en cause ne regroupaient que les seuls
stalino-léninistes, elles pourraient se contenter de la Rue Pitalugue entre la Mercerie
Durand et le bar-tabac du coin, sans aller s'enquiquiner de Bastille à Nation.
Ce n'est pas faux mais, dans le même ordre d'idées, si les mariages religieux et les
obsèques se déroulaient uniquement en présence des catholiques pratiquants, le
curé se sentirait un peu seul.
Qu'on se le dise, le 1er. Mai est au marxisme, ou si vous préférez au socialisme
-de mon point de vue il s'agit à peu près de la même couillonnade- ce que Pâques
représente pour la chrétienté. Les oeufs en moins, le muguet en plus.
Un grand moment de foi plus ou moins factice, collectivement partagé par des fidèles
plus ou moins convaincus. Sachant que le socialisme occupe en France le rang
prééminent de Religion d'Etat, on conçoit aisément le caractère essentiel et
incontournable des cérémonies syndicalo-défilatoires qui caractérisent si joliment le
premier jour du mois de Marie, pardon, de Mai.
Bon, revenons à nos moutons (pas ceux qui défilent, ceux de Maître Pathelin). Je vous
parlais, avant de digresser, de l'indispensable thème fédérateur.
Cette année, bien sûr, la retraite s'impose sans discussion comme le grand combat
du moment, apporté sur un plateau par les sbires liberticides du Président de la
République. (VoirSonnez la retraite! ).
Au nombre des conquêtes sociales si chèrement acquises par nos aïeux, le droit
de ne plus rien foutre à soixante ans et avant si possible, figure au rang le plus élevé.
Privilège sacré du travailleur blanchi sous le harnois des décennies laborieuses, la
retraite ne saurait souffrir la moindre atteinte des mains impies de libéraux
dépourvus, même, de conscience de classe. D'autant que la C.G.T. détient la
solution.
Les textes sommaires mais bien sentis figurant sur les banderoles écarlates le mettaient
en évidence sans la moindre ambiguïté : pour résoudre le problème du financement des
retraites, il suffit de mettre un terme au chômage et d'augmenter les salaires. Voilà tout!
Ce n'est tout de même pas compliqué, sacré nom de bordel de Marx, vous doublez la
masse salariale et vous doublez du même coup les recettes de l'Assurance Vieillesse.
Et ainsi vous êtes tranquilles pour au moins cinquante ans.
Ben évidemment, comme dirait Bourdin, on a la solution et on ne fait rien.
Ce filou de Sarko. et les ordures de capitalistes qu'il représente s'y opposent. Juste
pour emmerder la classe ouvrière.
Avec des arguments de ce niveau on pouvait s'attendre, cette année à une mobilisation
sans précédent, un Premier Mai processionnaire à faire tout péter.
Pas de pot, ça n'a pas fonctionné. Les travailleurs ne sont pas venus.
Les manifs clairsemées s'étirèrent tristement dans les artères parisiennes autant
que provinciales, au point qu'en comparaison, les frontistes adorateurs de la
Pucelle d'Orléans paraissaient une foule sans nombre, comme disait le père Racine.
La faute aux vacances scolaires, pas tout à fait finies, ou bien au calendrier félon qui
vous colle la fête du boulot un samedi, ou encore à la crise démobilisatrice, voire à
ce salaud de Mailly qui défilait tout seul, enfin je veux dire en F.O.suisse.
Bref, cette années les pâques marxistes prenait des allures de communion privée.
Triste spectacle. Mais comme dit Chérèque,"on ne doit pas faire du 1er. Mai un test
social". Même pas un petit test, pas même un testicule.
Enfin surtout quand ça ne marche pas car dans le cas contraire, on n'irait pas s'en priver!
En revanche, en Grèce, elle a fait recette la fête du travail.
Les rues d'Athènes et de Salonique regorgeaient de travailleurs, ça je vous le garantis
sur facture. Même qu'ils ont manifesté sévère les grecs. A coups de barres de fer et de
gaz lacrymogène, ils les ont célébrées les pâques marxistes, ces orthodoxes en faillite.
Reconnaissons qu'en guise de thème fédérateur ils disposent d'un panel vachement
fourni.
Y a de quoi faire!
Non seulement on leur propose aimablement trois points de TVA en plus, le blocage
des salaires, la suppression des treizième, quatorzième, quinzième etc...mois, la fin
des embauches de fonctionnaires, la retraite à septante ans, pire que les belges mais
encore on leur explique que cela risque fort de ne pas suffire aux yeux impitoyables
d'Angéla Merkel.
Même que Mélanchon vient de déclarer haut et fort que le capitalisme allemand exige
l'asservissement total et définitif du peuple hellène.
Prolétaires de tous les pays unissez vous! Volez au secours des camarades du
Péloponèse, de Salonique (tout un programe), des Cyclades et des Sporades. L'hydre
abominable du libéralisme honni tente de les décapiter de leurs acquis sociaux.
Bon, on rigole mais on ne devrait pas.
D'abord, les Grecs ne sont guère plus mal lotis que nous. Il ont juste un peu d'avance en
matière de laxisme budgétaire effréné.
Ensuite, les mêmes Grecs, se serrer la ceinture au point de redresser leur situation
catastrophique, ils ne veulent absolument pas. Niet! Pas question! Foutez nous la paix
y a rien à voir! Autrement dit si le malheureux Papandréou veut se sortir vivant de ce
pétrin il lui reste une solution, les législatives anticipées. Comme cela il laissera à
son vieux pote ennemi Caramanlis (voirTimeo danaos... ) le soin de se colleter avec
la guerre civile qui se prépare.
Cependant, pour nous autres franchouilles, les carottes se rapprochent
du temps limite de cuisson. Il n'apparaît même pas certain que nous puissions tenir
jusqu'en 2012 et l'arrivée de la Gauche salvatrice -salvatrice de M. Sarkozy s'entend-
avant que les agences de notation ne se penchent sur notre cas.
Par conséquent, je trouve éminemment regrettable que les travailleurs de chez nous,
travailleurs au sens socialiste du terme, bien sûr, pas les mecs qui bossent vraiment,
aient préféré cette année la pèche à la ligne au cérémonial des fêtes de la Pâque
Marxiste.
Ca leur aurait fait un bon entraînement en vue des luttes prochaines contre le futur
plan d'austérité.
Joyeuse Pâques quand même et merde pour qui ne me lira pas.