Dans le temps quand on évoquait un voyou en pleine action on disait un "individu".
Bien que dépourvu de toute connotation péjorative, le terme permettait de désigner
en toute neutralité objective des gens peu recommandables et indignes du respect
dû, en principe, à la personne humaine. Evidemment, le vocable "individu" s'applique
largement à tout ce qui vit de manière autonome et indépendante. Donc, aussi bien
au blogueur impénitent qu'au chat de la voisine, au rat d'égoût, au morpion isolé ou
en groupe, ou même au pied de géranium que la mère Grauburle cultive
amoureusement sur le rebord de sa fenêtre hachloumesque. Pour résumer, "individu",
sans faire réellement office d'insulte, ça sue le mépris et sent sa discrimination à
pleins naseaux.
Du coup, je ne sais si vous avez remarqué mais dans nos bons media on n'emploie
plus jamais ce mot. Fini, "individu", pas français, mal embouché, gros mot,
politiquement incorrect, puant, fétide, voilà le mot, nauséabond! A l'extrème rigueur
on peut l'utiliser pour désigner des mecs d'extrème droite genre skinheads, hoolligans
de football mais exclusivement de type européen ou videurs discriminatoires de
boîtes de nuit .
En règle générale, cependant, il convient désormais de qualifier le malfaiteur,
délinquant banal, voire criminel, de "personne". C'est une question de respect et
une marque d'estime pour l'être humain qui se cache derrière la pire des ordures.
Alors, bien sûr, ça donne des résultats curieux pour des oreilles de vieux réac mal
dégrossi à la culture si joliment humanitariste qui, désormais, nous tient lieu de
civilisation.
Par exemple, tenez,
- "Deux personnes immobilisaient fermement la jeune fille pendant qu'une autre
personne la violait non sans une certaine brutalité, une quatrième personne
attendant impatiemment son tour.
Ou bien,
- "Une personne venait d'abattre le bijoutier afin de le dévaliser, alors qu'une personne
postée à l'extérieur de la boutique tenait les passants en respect au moyen d'une
rutilante kalachnikov."
Bon, on ne va pas y passer la nuit mais c'est vrai. J'ai fréquemment entendu ce genre
de bavassage consternant et, que voulez vous, si idiot que cela puisse paraître, ça me
fout en rogne grave.
Allez savoir. Si ça se trouve, depuis que la HALDE et ses commissaires du peuple font
peser leur chape de plomb sur tout ce qui, en France, tente de s'exprimer, les spiquerins
de l'audiovisuel en viennent à s'autocensurer. Histoire de ne pas prendre le moindre
risque de passer pour d'ignobles fachos. Peut être même les rédactions diffusent elles
des instructions prohibitrices de termes limite politiquement incorrects, allez savoir!
Je ne vous exposerai pas, bien entendu, le fond de ma pensée. Mes moyens
m'interdisent, hélas, de m'offrir un procès comme celui du camarade Zemmour avec
les amendes et dommages intérêts susceptibles d'en découler. Mais, si vous voyez
ce que je veux dire, les "personnes" en question présentent très majoritairement
des caractéristiques particulières qui exigent la mesure super-attentive des termes
employés à leur égard.
D'où les précautions oratoires qui constituent aujourd'hui la règle de tout discours
public et qui seront sans doute demain la règle générale à respecter dans toute
conversation fût elle la plus confidentielle. On ne sait jamais.
Cependant, à force de ne plus appeler un chat par son nom, il n'y comprend plus rien,
pauvre bête. De toute façon, maintenant, personne ne sait plus ce que parler veut dire,
comme disait déja Tante Hiette dans les années cinquante. La pauvre vieille si elle
avait vu...
Cependant toutes ces locutions aussi approximatives qu'embarrassées reflètent
très fidèlement les à-peu-près biscornus qui font, petit à petit, partir nos sociétés en
couilles.
Je vois mal pourquoi nous nous étonnons de voir tant de criminels et de fous dangereux
en liberté passer à l'acte sitôt que s'en offre l'occase. Le respect qui leur revient de droit
en tant que "personnes" s'accompagne d'une confiance bien-pensante en leurs qualités
humaines, certes cachées mais irréfragablement présumées. Bien sûr, c'est ballot pour
les victimes. Evidemment. Mais croire en l'homme ça exige aussi de savoir prendre des
risques. Surtout d'en faire prendre aux autres. Il existe des cas où le principe de
précaution dont on nous rebat les oreilles à tout propos ne saurait s'appliquer.
Notamment les meurtriers récidivistes. Il s'agit de "personnes" après tout. Les victimes
aussi, mais là n'est pas la question...
Tout cela me rappelle confusément la controverse acharnée qui agita un moment les
boîtes à écho à l'époque de Rachida Dati Garde des Sceaux. La question concernait
justement les criminels récidivistes. Le gouvernement souhaitait faire passer une loi
autorisant le maintien des intéressés au trou ad vitam aeternam. La Gauche,
naturellement, hurlait au scandale au nom des droits sacrés de la "personne" humaine.
Si j'ai bonne mémoire les socialos obtinrent gain de cause en vertu de je ne sais trop
quelle argutie permettant de reporter l'application du texte au calanques héllènes,
comme dit le Marseillais cultivé.
S'agissant d'une décision du Conseil Constitutionnel -ou du Conseil d'Etat, je ne me
souviens même plus- nul n'a le doit de dire que c'est une monstrueuse connerie.
La pauvre petite Laetitia Perrais est loin d'être la seule à en avoir fait les frais.
Toutefois quand je vois la Gauche, toujours elle, la ramener sur les remontrances du
Président de la République aux Juges qui foutent une paix royale aux ennemis publics,
j'ai carrément envie de gerber.
Et, en bon réac, je regrette le temps où l'on envoyait ces "personnes" à la Guyane.
Et je regrette aussi la peine de mort. Tant pis je l'ai écrit!
Alors, pour vous finir, je voudrais rendre un hommage sincère, appuyé et même
retentissant, aux bons Juges, ceux qui savent, de temps en temps me faire plaisir.
Ainsi décernè-je une mention spéciale à ces magistrats du Nord qui ont eu
l'insigne courage d'infliger une condamnation pénale pour abus de confiance à
Pierre Maurois dans une sombre affaire d'emploi fictif. Egalement condamnée,
l'employée fictive, Lise Cohen-Solal, l'adjointe de notre petit coquin Maire de Paris.
Depuis le temps que j'attendais ça sans trop y croire (voir Hypothéses ) il ya de quoi
marquer le coup.
Soyez assurés de ma parfaite considération et merde pour qui ne me lira pas.