Sur le coup des cinq heures hier soir, un putain coup de claxon dans le genre strident,
un peu comme les Alfa des années soixante. Je me lève de ma chaise longue et qui
je vois pas se pointer, je vous le donne en mille, Umberto Cazzoficca(1) en personne
et en majesté. Le costard Smalto alpaga à fines rayures avec cravate en soie sauvage,
toujours.Le cheveu délicatement argenté peigné impeccable comme j'ai jamais réussi,
même quand il me restait des tifes. Malgré la grosse chaleur poisseuse, la vache!
Faut dire qu'aujourd'hui, avec la clim dans les bagnoles, y a pas de souci pour se la
jouer nettement plus frais que Tonton Jacquot dans la Juvaquatre, quand il livrait ses
denrées au plus fort des mois de Juillet caniculaires, voilà cinquante piges. Entre le
vieux Jacquot de l'époque, avec son marcel cradingue et l'Umberto d'aujourd'hui, qu'on
dirait un rêve enchanté de vieille midinette, y a de la distance. Deux mondes incom-
mensurables, deux univers sans interaction possible. Aucun rapport, quoi, pas de point
commun. Le ver de terre à côté de l'étoile, la merde à Toutou comparée au joyau de
chez Van-Cleff.
Bon bref, Umberto Cazzoficca qui débarque, c'est pas du courant. Je l'installe sous la
vigne, un peu à l'air, pas qu'il prenne un coup de chaud, lui propose un petit Whisky
léger du genre qu'on peut pas refuser et puis, naturellement, je lui cause à propos du
bon vent qui l'amène, histoire de savoir pourquoi il se permet de me tirer ipso bruto,
comme disait un de mes illustres prédécesseurs adepte de l'ablatif absolument
approximatif, de ma torpeur vespérale.
Pour ça, l'ami Umberto il ne se fait jamais prier. Pas le mec taciturne à vous mégoter
les infos sur ses activités complexes autant que florentines en dépit de sa milanitude
indéracinable. En déplacement pour conclure un contrat non dépourvu d'originalité,
d'ailleurs, le Signor Cazzoficca, un de ces marchés que seuls les négociants les plus
prospectifs apparaissent en mesure de traiter avant tous les autres. Bref, un coup à
se faire les burnes en or, à proprement parler si j'ose dire. Le truc consiste à préparer
l'explosion fabuleuse des mariages homosexuels prévus pour l'an prochain.
Un marché mirifique, une mine d'or, un diamant bleu du Nil pour qui sait prendre
l'occase à la racine et se placer dès maintenant sur le créneau.
Alors, le rital m'a tout bien expliqué comme quoi dans ce domaine absolument neuf
et inexploré, le commerce va se trouver confronté à des exigences sans commune
mesure avec les paramètres classiques du vulgaire mariage entre personnes de
sexe différent.
Déja, les tenues. Pensez en ce que vous voulez mais l'article dominant en matière
de convolage hétéro, ça reste la robe de mariée. La peau du cul, ça coûte ces trucs-
là, en dépit d'un usage extrèmement limité dans le temps vu qu'en toute hypothèse,
ça ne peut servir qu'une seule fois. Une supposition que la gonzesse se remarie un
jour, ce qui se révèle de plus en plus fréquent, vous n'imaginez pas un seul instant
qu'elle exhume sa robe engloûtie dans la naphtaline pour se la coltiner une seconde
fois et pour un autre jules. Ca n'existe pas, ça. Alors qu'en revanche, le marié, lui,
rien ne l'empêche de ressortir son vieux costard bleu-marine autant que nécessaire,
à condition, bien sûr, qu'une prise de poids incompatible ne le lui interdise à tout
jamais.
Vous saisissez donc bien le défi. En tant que marché, le mariage des pédérastes
comporte par nature la nécessité de vêtir festivement et cérémonieusement deux
individus de sexe plus ou moins masculin. Conséquemment, pas question une
seconde d'envisager la robe nuptiale. Vous vous rendez bien compte de l'effet
désastreux qu'une telle formule risquerait de produire. Dans la négative essayez de
vous remémorer l'union fameuse de Thierry Le Luron avec Coluche, au besoin
cherchez sur Google et vous saisirez aussitôt le caractère inconcevable d'une telle
incongruité.
D'où l'idée d'Umberto Cazzoficca de rechercher avec les plus grands designers
Milanais, gens particulièrement compétents en matière d'inversion sexuelle, les
innovations couturières susceptibles de magnifier la splendeur merveilleuse du plus
beau jour de la vie des intéressés. L'avantage essentiel du mariage dit "gay" (quelle
tristesse) réside dans l'équivalente volonté des deux époux de mettre en valeur leur
personne. Autant le fiancé ordinaire se fout un peu des fringues chiantes qu'il devra
se trimballer jusqu'à ce qu'il puisse s'en défaire joyeusement afin de trombonner sa
jeune épouse en justes noces, autant l'homosexuel qui se respecte s'ornera pour
l'occasion avec un soin religieux doublé d'un plaisir indicible.
Et c'est là que réside le trait de génie de mon vieux pote. Dans cette sorte d'union,
vous avez deux mariées, si l'on peut dire et, par conséquent, votre chiffre d'affaires
suit le mouvement. Sans compter qu'il s'agit la plupart du temps de garçons totalement
pétés de thunes et capables de vous craquer un max pour se rendre irrésistibles en
si enthousiasmante circonstance. Depuis le temps qu'il attendent ça, en plus, vous
allez voir, l' année prochaine, le feu d'artifice! "Le désir s'accroît quand l'effet se
recule" comme disait cette vieille coquine de Polyeucte. Umberto, lui, ce désir là il
tient à le capter si possible pour lui tout seul et à en faire ses choux gras.
Figurez vous qu'il a déja des catalogues, ce maudit transalpin, il me les a montrés,
si, je vous assure. Dans le genre ça vaut largement son pesant de vaseline.
Alors là, estomaqué, j'en étais. Des fringues comme même pas Fellini n'aurait
pu les imaginer, dites donc. Y en a pour tous les goûts, pour tous les milieux pour
toutes les catégories. Eh oui, l'homosexualité comporte des aspects infiniment
plus variés et compliqués que la banale orthodoxie sexuelle. Le couple, déja, on
ne croirait pas mais vous avez des combinaisons en nombre quasiment infini.
Ca va des deux bourges BCBG qui rechercheront l'harmonie dans le classique,
avec juste des nuances de couleurs de nature à bien marquer les rôles respectifs,
jusqu'aux plus dépareillés avec cuir et casquettes de bikers sertis de brillants, assortis
à de chouettes caleçons ajourés aux teintes multicolores, agrémentés d'évocations
subtiles de tutus de petits rats. Hallucinant tout ce que ces créateurs de génie
peuvent mettre au point pour satisfaire les desiderata vestimentaires follement
débridés de nos sympathiques futurs épousés du socialisme triomphant.
Comme dirait Grauburle, les couilles m'en sont tombé dans les souliers!
Et je ne vous parle même pas des cadeaux, ce serait trop long. Des profusions
d'objets délicats, de créations joaillaires, souvent étranges par leur spécificité explicite.
Je pense, par exemple à la petite bite en or massif rehaussée de deux perles noires
en pendentif ou encore à la paire de fesse bien mâle en obsidienne bordée de camée
ciselé façon dentelle. De pures merveilles et d'un goût exquis, je vous jure!
Devant ma stupéfaction émerveillée il rigolait doucement, le signor Cazzoficca.
"Vous savez, me déclara t-il, pour le commun des mortels les invertis sont vus
comme gens qui s'amusent là où les autres s'emmerdent, come diceva mamma.
Moi, je les considère plutôt comme un véritable puits de pétrole. Il suffit de savoir
forer au bon endroit -ne vous méprenez pas sur mes propos je n'ai pas viré ma
cuti, Dieu m'en garde- et le pognon vous jaillit en pleine poire comme une éjaculation
de Rocco Siffredi, parole! Là, ça y est, j'ai pris les options qu'il fallait, y a plus qu'à
attendre que vos rigolos se décident à légaliser leur mariage à pédale.
Le plus dur, croyez moi, c'est pour arriver à mettre en place les circuits financiers.
Vous n'imaginez pas, cher ami, les trésors d'astuce avisée qu'il faut déployer de
nos jours, pour continuer à gagner sa vie, c'est fou!
Là, je ne vous dis pas, ça transite par sept ou huit pays différents avant de finir sur
mon compte aux Caïmans, C'est plus de la prudence qu'il faut, c'est de la
névrose obsessionnelle!
Même, chez nous, en Italie, figurez vous qu'on vous pique le fruit de votre boulot
presque comme en France, bientôt, porca miseria! Si vous ne noyez pas un peu le
poisson vous êtes cuit, ils vous niquent comme un bleu porco Monti!
Même la délation, ils nous collent dans les pattes, ces cochons-là! Il a fallu carrément
que je m'expatrie pour y échapper. Vous me direz, mon sort ne fait pas partie des
plus affreux vu que je me suis installé à Monte-Carlo mais le principe me choque.
Avec leurs conneries d'Europe, d'Euro, d'austérité et de solidarité nocive, vous allez
voir qu'ils nous changeront nos petits paradis en camp de rééducation par le travail
et la fiscalité confiscatoire, porco cane! Ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre,
certes, avec votre joli pays qui commence à ressembler à une succursalle du Burkina-
Faso. Vous, quand il s'agit de dépenser le pognon pour vous coller dans la mélasse,
vous ne craignez personne. Champions du Monde, on peut pas vous l'enlever!
Enfin, pas dans tous les domaines, vu qu'en football les Bleus-Foncés on les voit
plus fréquemment s'engueuler entre eux comme des poufiasses de Sidi Bel Abbès
que marquer des buts!
A propos, je ne vais pas tarder à y aller vu que je prends l'avion ce soir pour Kiev
histoire d'aller voir la Squadra Azzura foutre la patée aux Espagnols de l'armée en
déroute. On n'est peut être pas les plus fringants d'Europe mais quand il faut monter
au front, on y va! Il Piave mormoro, non passa lo straniero! Elle va s'en souvenir,
la Roja, mes couilles à couper j'y mettrais et vous n'êtes pas sans savoir à quel
point j'y tiens!"
Ben dites donc, le voilà sacrément remonté, l'Umberto, ça me fait quasiment de la
peine pour Juntos (2) quand il va lire ça. J'en suis même à espérer qu'il se foute le
doigt dans l'oeil le Milanais mais, en toute sincérité, je crois qu'il campe résolument
dans le vrai.
Et sur toute la ligne!
Ce n'est pas le résultat fulgurant du dernier Sommet Européen qui vient de sauver
l'Euro jusqu'à nouvel ordre, ni les succès diplomatiques, fameux autant que sybillins,
du camarade Moi-Président-de-la-République, qui me feront changer d'opinion.
L'unique comportement raisonnable consiste à se la jouer perso, à faire cavalier
seul et à contourner les obstacles à la con placés sur notre route par tous les
incapables qui nous gouvernent, en restant toutefois à l'affut des opportunités que
peuvent receler de temps à autres, les produit délétères de leur démagogie crasse.
Longue vie à Umberto Cazzoficca, c'est lui qui montre le chemin!
Que le calvaire qui nous arrive ne vous soit pas trop dur.
Et merde pour qui ne me lira pas.
(1) Démocrassie.
(2) Voir mes "Blogues Potes"