Pour peu qu'on se donne un minimum de peine, il apparaît possible de trouver des
similitudes entre les situations respectives de la Côte d'Ivoire et de Haïti, en ces
temps terribles de Décembre 2010. Grosso-modo, on se trouve en présence de deux
élections de chef d'état, avec scrutin certes bordélique mais bon, faut pas trop en
demander et résultats très mal pris par les partisans du perdant. N'allez pas chercher
d'autres points communs, il n'en existe aucun. Et surtout n'essayez pas de me faire
dire ce que je n'ai pas dit ou encore de chercher je ne sais quel sous-entendu à la
con. Pas mon genre de me faire piéger comme un bleu, avec la LICRA, SOS machin
ou le CRAN qui me tombent à bras raccourcis sur les endosses.
Mon propos se borne à essayer de comprendre pourquoi les démocraties
occidentales arrivent, tant bien que mal, à fonctionner avec des systèmes fondés sur
l'oppression d'une partie de la population par l'autre, alors qu'ailleurs, le plus souvent,
une telle bizarrerie se révèle vouée à l'échec.
Inutile de consulter Montesquieu, Rousseau et autres penseurs à lumières qui
nous ont si gentiment foutus dans le pétrin, voilà deux siècles. Tous les raisonnements
du monde, toutes les théorie philosophico-politiques ne valent pas l'examen minutieux
de ce qui peut se passer dans l'intellect improbable du citoyen ordinaire. Là se trouve
le noeud du problème.
Tiens on va commencer par l'ami Hulley, ce vieux Hank
(voir No, we can't ou l'émergence du concept de racisme positif. ).
Comme vous le savez, Hank Hulley, ses sympathies vont aux Républicains. Il serait plutôt
du genre réac, le mec, mais sans théoriser, n'est-ce pas, de manière un peu empirique.
Si on lui fout la paix, il reste dans son trou, Hank, il ne va même pas voter. Pas la peine.
Il y en a suffisamment comme ça qui trouvent intéressant de coller un
bulletin à la con dans une urne trop pleine, comme à Waterloo. De la sorte, le pays
disposera toujours d'un gouvernement et les vaches seront bien gardées. La seule
exception qu'il fait, Hank, concerne l'élection du Shériff du comté. Là il y va, faut pas
déconner. Bien sûr, il n'a pas lu Toqueville mais la démocratie ça lui parle quand il
se sent directement concerné. Comme Shériff pas question de mettre n'importe qui,
sinon on risque les pires emmerdes. Cela dit, il accepte toujours le verdict des urnes,
Hank. Si ça foire, on se rattrapera au prochain coup. Ainsi agira t-il, comme nous
l'avons vu, pour virer Barack-Hussein Obama. Là, il consentira l'effort.
Pareil chez nous, finalement. Un peu plus intellectualisé, il faut bien le dire, le Céfran
affichant souvent des convictions, généralement de gauche, sinon, en principe,
il n'affiche pas, il ferme sa gueule et se venge dans l'isoloir.
Prenons donc un électeur franchouille moyen, le tout venant, en quelque sorte. Tiens,
l'ami Foupallour, Jean, de son prénom. Un type quelconque Nikon ni malin (il fait de
la photo en amateur), supporteur de foot et théoricien politique de comptoir en zinc.
Il serait plutôt à gauche, Foupallour, forcément, tradition familiale oblige. Sauf que, sur
Mohamed et Bamboula il coinçouille un peu. Pas raciste, attention, surtout pas, faut
pas déconner. Diable, y en a des bien, exceptionnellement, quand ça se trouve, enfin
un par ci, un par là, clair, clair, clair semé. Vu le nombre ça ne rattrape pas, hélas.
Du coup, évidemment, le discours de gauche, tant qu'il consiste à faire payer les
riches, pas de problème, il adhère plutôt deux fois qu'une. La justice, pour Jean
Foupallour, c'est quand l'autre morfle. L'autre, finalement, sa raison d'être consiste à
raquer et à se taire. La conscience de classe fait le reste et du coup, l'autre
apparaît sous les traits peu tibulaires des salauds de riches-exploiteurs-capitalistes.
Que même, comme dit Paulo, le délégué CGT, les sans-papiers ils les font venir par
cargos entiers pour nous niquer les salaires. Les pédés!
En revanche, sous ce dernier aspect, pour Jeannot, la gauche manque un peu de
cohérence. On voit bien que l'immigré, par le fait, se révèle comme l'allié objectif
du capitaloche, l'ordure, alors pourquoi qu'on le défend, l'immigré, bordel? On
nourrit la main qui nous mord, pas vrai, y comprend pas ça, Mélanchon?
Par conséquent, forcément, pour rétablir l'équilibre, il a pris l'habitude de voter Front
National, Foupallour, systématiquement. Et du coup, à chaque fois il l'a dans l'os,
jamais le candidat bénéficiaire de son suffrage ne parvient à l'emporter!
Trente ans bientôt que ça dure, sans discontinuer!
Eh bien que croyez vous? Il reste inébranlable, le mec, même pas aigri, même
pas dégoûté, même pas déçu. Il se plie à l'avis du plus grand nombre, à la volonté
générale, dirait il s'il avait moins mal occupé sa jeunesse et un peu étudié.
Un grand démocrate, somme toute, Jean Foupallour, un modèle pour tous ces
peuples misérables, voués à la haine et au déchirement, faute de posséder cette
vertu si nécessaire à l'harmonieux équilibre des sociétés policées : l'abnégation
civique.
En même temps, notre héros sait calquer sa politique électorale personnelle sur
ses convictions profondes bien qu'apparemment antagonistes. Il n'ignore pas qu'en
définitive, voter Front National équivaut à apporter son sufffrage à la gauche.
Jean parvient ainsi à satisfaire simultanément ses pulsions xénophobes et sa
conscience de classe.
Une seule fois faillit sa stratégie, en 2002, lorsqu'en violation de tous les usages
républicains, Jean- Marie franchit le seuil du second tour, offrant ainsi à Chirac
une victoire aux saveurs de scrutin soviétique.
Quelques pastis bien dosés eurent, cette fois là, raison de la déconvenue
foupallourdesque.
Sans compter qu'après tout, n'est-ce pas, Jacques Chirac était aussi, à sa manière,
un parfait socialiste.
On pourrait, de la même façon faire la tournée complète de nos belles démocraties.
Observer, par exemple, l'Allemand Gottlib Grossmutterficken avec sa grosse chope
de bière en pogne. Quand elle est bonne, la bière, il vote CDU. Si la qualité baisse
il peut se venger en votant SPD. Il est bien installé dans sa démocratie pépère,
Gottlib, même s'il caresse, parfois, une petite pensée nostalique pour le bon temps
du Reich de Gross-Papa. Quelle allure, tout de même, Gross-Papa en grand
uniforme d'obersturmbahnführer sur la belle photo encadrée du salon, quand il
défendait le vaterland à Auschwitz. C'était une autre époque, certes, la grandeur,
la foi patriotique, la supériorité aryenne et ainsi de suite, bref rien à voir avec le
train-train d'Angela, sa bonne gueule de ménagère exemplaire et ses grosses
miches plates.
Yavohl! Mais il vit avec son temps Herr Grossmutterficken. Il accepte tout. La
démocratie molassonne, l'Europe avec ses fréquentations dégénérées,
les turcs d'importation qui musulment sous son nez (merci dxdiag), les
Prussiens, ex-communistes, qui lui coûtent la peau du cul.
L'Euro, bien sur, commence quand même à lui chauffer légèrement les oreilles.
A cause de tous ces cochons du Sud, fainéants, profiteurs, un peu untermenschen,
on ne peut pas le cacher. Toutefois il attend, Gottlib, il verra la tournure des évènements
et, le cas échéant, il votera en conséquence. Certes la dame Merkel a intérêt à
numéroter ses abattis, mais sur la question démocratique il se révèle absolument
irréprochable, notre Teuton. Le petit doigt sur la couture de la vieille culotte de
peau, il respecte le verdict des urnes autant que le Deutchland Uber Alles, le
souvenir du Deutchmark et celui, encore plus sacré, des anciens de la Waffen-SS.
Sans barguiner, sans raler, sans état d'âme, quoi, comme un digne
descendant d'obersturmbahnführer.
On peut tout à fait en dire autant de nos potes Italiens. Dans un style quelque peu
différent, naturellement, mais tout aussi civiquement impeccable.
Tenez, comme ça, au hasard, prenez le cas d'Umberto Cazzoficca, rital à n'en
plus pouvoir. Un grand père fasciste et l'autre communiste. Avec une ascendance
de ce calibre, il se démerde quand même à jouer le jeu démocratique. Faut le faire,
non?
A vrai dire, la politique ne constitue pas sa préoccupation première. Très pris
par ses affaires le signor Cazzoficca. Comme son père, à l'époque où il siégeait
benoîtement à la Loge P2, avant d'aller en taule se détruire la santé.
Bien sûr, il faut avoir quelques amitiés judicieusement placées mais cela n'entame en
rien la parfaite orthodoxie de ses moeurs citoyennes, à Umberto. Aujourd'hui, il
se considère comme satisfait de Berlusconi qui est bien moins con que la moyenne
des politiques. Cependant il a parfaitement supporté tous les rigolos qui ont pu
se succéder à la tête du pays et notamment Prodi avec sa façon tout en nuances
de pressurer le contribuable. D'ailleurs, quel qu'il soit, le gouvernement aurait
bien du mal à interférer dans les affaires sérieuses, vu l'extrème discrétion qui
entoure celles-ci. Alors, pas la peine de faire la révolution. A quoi çela servirait-il?
Sans oublier qu'au temps où les Gaulois et autres Saxons se contentaient
du concept sommaire de tribu en guise d'organisation de la cité, Rome connaissait
déja la République.
Alors, pour la démocratie, ils ne craignent personne, les Macars, ils disposent d'une
grosse antériorité et savent pertinemment comment s'en servir.
Je passe sur les Anglais qui représentent pour la démocratie moderne ce que les
Espagnols sont à la toromachie. Ces derniers, d'ailleurs, depuis le départ du
regretté Franco, montrent sans ambiguïté l'exemple d'une rectitude politique au
dessus de tout soupçon. Le merdier économico-financier dans lequel ils se sont
fourrés en témoigne on ne peut plus clairement.
En résumé, sans plus alourdir la démonstration, nous constatons l'universalité
incontestable de l'idée démocratique dans l'ensemble du monde occidental.
Du coup, je me demande bien pourquoi ça ne fonctionne pas aussi en Côte d'Ivoire,
en Haïti et dans plein d'endroits du même tonneau.
Après tout, rien de fondamental ne nous différencie des citoyens de ces belles
contrées, c'est bien connu. J'irais même jusqu'à dire que la plupart du temps ces
braves gens sont dans le vrai autant que nous stagnons dans l'erreur, puisque nous
restons définitivement l'oppresseur et le sale colonisateur, c'est bien connu aussi.
Alors, tout devient clair. La démocratie c'est l'asservissement de l'homme par
l'homme, une aberration intellectuelle que nous tentons d'imposer partout avec
une ardeur comparable à celle que nous mîmes, jadis, à faire main basse sur les
hommes et les terres du Monomotapa et du Songhaï, les empires traditionnels de
l'Afrique éternelle, pure et sans tache.
Encore une fois, on le voit bien, l'infâme occidental se pète sa sale gueule en tentant
d'imposer ses vues à des peuples dont les moeurs et les traditions les poussent en
sens inverse.
Mais aujourd'hui nous assistons, du côté de l'Orient, à la venue d'un vent joyeux de
liberté qui souffle sur les faibles et les opprimés. La Chine arrive! Elle n'impose rien,
la Chine. Elle apporte seulement au Monde des Pauvres, sa compassion et son savoir
faire, par lesquels elle étendra à la fois sa prospérité et son influence, dans l'intérêt bien
compris du Parti Communiste triomphant et de ses fonds souverains.
Et avec les chinetoques, aucun risque de s'emmerder avec la démocratie de ces
salauds de blancs, maudits soient ils jusqu'à la quinze-millième génération!
Croyez moi, nous sommes bel et bien foutus.
En attendant gardez vous en bonne santé.
Et merde pour qui ne me lira pas.