Sacrée semaine, la vache, qu'il m'a lancé mon vieux pote Foupallour avant même
d'attaquer le premier pastaga, celui de midi-moins-le-quart, le meilleur, la récompense
quotidienne et anisée du travailleur modéré. Foupallour, Jean, vous vous souvenez,
quand même (voir Démocrassie. ), l'électeur F.N. nourri à la mamelle de la pensée
marxiste et du beaujolpif réunis. Voilà, ça vous revient. Tant mieux, j'ai failli attendre.
Bon, ben il se trouve que je suis tombé sur le mec en question au mauvais moment
et au pire endroit. Le bistrot à cette heure incertaine qui précède juste un peu le
moment d'aller bouffer et laisse un laps de temps plausible pour envisager de s'en
jeter un ou deux histoire d'entretenir convivialité et relations de bon voisinage.
L'emmerdant, c'est qu'un ou deux ça relève de la velléité, sinon de l'auto-persuasion
perverse. Sachant qu'en des lieux de cette nature vous trouvez immanquablement
une flopée de gentlemen prêts à assurer farouchement leur tournée. Vous savez,
sitôt franchi le seuil de l'estaminet, que la cuite vicieuse, honteuse, déplacée,
injustifiable, vous attend au détour du zinc.
C'est le manque de pot. Je passais à vélo, tranquille comme baptiste, sans me gaffer
de rien et vla t-y pas que le Jeannot me hèle comme quoi faut qu'y me dise. Quoi? Je
ne sais pas, justement, alors, je m'arrête, pose ma bécane et entre en enfer bistrotier.
Forcément, c'est là qu'il se trouve, l'autre pignouf. Et sans délai, naturellement, le coup
part. Plus moyen de l'arrêter. Quesse tu prends? Et ainsi de suite. Le piège à cons
pour militaire isolé, comme on disait à l'époque héroïque. Et merde!
En plus, au bout du comptoir, deux ou trois pochetrons vaguement identifiables et,
pour couronner, Grauburle! (VoirLes vacances de Grauburle. ).Pas le Comité Nobel
mais joli aréopage tout de même. Vous faites quoi, vous, dans ces situations là?
Exact, vous posez votre cafard su'l zinc et vous picolez tout en dissertant doctement
de l'actualité brûlante.
Par ailleurs, vous vous confiez in-petto "pourvu que le vélo se souvienne du chemin,
sans quoi je ne suis pas rendu, bordel de merde!"
Bien. Le premier orateur d'apéro-débat, Foupallour, lance la discussion sur l'affaire
"Charia-Hebdo". Il a écouté RMC le matin même et s'en trouve perplexe en raison
notamment des thèses développées sur l'antenne par le Muzz-Marseillais de service.
Au passage, je vous le signale à toutes fins utiles, si vous voulez vous faire une idée
juste et précise de la bêtise humaine, écoutez RMC, notamment le matin. Plus besoin
de vous déplacer jusqu'au Café du Commerce, vous avez tout à la maison, servi sur
un plateau et gratos, en plus.
Pour en revenir au Muzz en question, son idée se résumait à une remarque assez
astucieuse, aux termes de laquelle le jet de coktails-molotov dans les locaux de
Charlie-Hebdo ne pouvait qu'être le fait d'un groupuscule d'extrème-droite.
Réfléchissez! A qui profite le crime, pas vrai! Vous ne vous figurez tout de même
pas que des musulmans, même fanatiques, s'embarqueraient dans une aventure
si contraire aux intérêts de leur communauté bien aimée!
Profondément blessés dans leur foi, bien sûr. On ne se fout pas de la gueule du
Prophète sans scandaliser grave le fidèle. Cependant, de là à passer à de tels actes...
Non, le crime porte la signature indélébile des sales fachos, les copains de Marine.
Ca fait des voix pour qui, ce genre de vacherie, hein? Aaaalors!
Génial comme détonateur! Là, ça se met à partir dans tous les sens avec Jeannot
qui gueule comme quoi Charlie-Hebdo il n'en a rien à branler vu qu'il s'agit d'intellos
trotsko-anarchistes favorisateurs d'invasion africaine. Bien fait pour leur gueule.
Seulement, des "étrangers" (le terme original est censuré) qui s'en prennent à un
journal français, le père Foupallour, il a horreur. La liberté de la presse, faut pas
déconner avec, merde, surtout que le papier ça brûle fastoche, y a pas plus
combustible.
Deuxiéme tournée. Et l'un des pochetrons qui attaque sur le G20, sans même
laisser à l'ami Grauburle le temps d'en placer une au sujet des printemps arabes
et de ses vacances en Tunisie foutues en l'air tout ça pour mettre des barbus-burnous
au pouvoir.
-"Fait chier, qu'il déclare, le pochetron. Ca va nous pomper combien ces conneries
à Cannes, bordel, avec le Grec qui nous joue les pucelles effarouchées juste pour
faire monter les enchères! Moi, on ne me la fait pas, tout ça c'est monté par les
Israélites (le terme original a été censuré) pour pouvoir nous le mettre encore plus
profond. Zavez vu comment ils s'appellent les banquiers qui nous ont niqués sur la
Grèce? Goldman-Sachs! Vous en voulez plus, vous, comme explication?"
Interception de Grauburle.
- "Ouais, t'as raison Mathias (s'appelle Mathias, alors, ce pochetron là), on se fait
bouffer. Même qu'ils vont nous monter la TVA pour s'engraisser, les spéculateurs,
avec Sarko et la mère Quelle des ventes par la poste, comme complices. Y touchent,
tous ces mecs, y touchent! Même Obama, pourtant, lui, on n'aurait pas cru, quand
même, de couleur (le terme original a été censuré) comme il est!"
-" Dites donc, qu'il fait le Jeannot, à propos d' Obama - tu nous en remets une
Edouard- vous l'avez vu, lui, avec Petit Nicolas? Le parfait amour, pas vrai. Voilà
un mec, il ne le calculait même pas, notre nabot, il avait le regard qui passait au
dessus. Ben là, suffisait qu'il vienne à Cannes pour nous faire son cinoche avec lui.
Un vrai festival et Nicolas par-ci et Barack par- là, on aurait dit des beaux-frères.
Même qu'en allant à la télé il avait dû lui dire, à l'amerloque, qu'il se l'était tapée la
petite intervieweuse. Ca se voyait qu'il était au courant, le black (je ne censure pas
mais j'ai un doute), il se marrait en douce en lui matant les entrecuisses. Va savoir
comment ça s'est fini, cette affaire...
Surtout que des Carlton, y en a pas qu'à Lille!"
Quatrième tournée! Le pochetron du fond saisit la balle au bond. "Ouais, z'avez vu,
les histoires qui continuent, le coup monté -c'est le cas de le dire- qui se poursuit.
Z'allez pas me faire croire à ces conneries de Carlton et de putes, tout de même.
Tout ça relève du complot. Le complot des hôteliers cinq-étoiles contre Strauss-
Kahn et les socialistes. Z'en veulent pas des socialistes, les Sofitel et les Carlton,
z'ont peur qu'on les fasse payer et leurs salopes de clients avec! Alors, se sont
acoquinés avec Sarko pour niquer le pauv Minou et foutre Hollande, cette couille-
molle, à la place. Perdu d'avance! Et pour Guérini, même topo, un piège mortel.
Pourtant voilà un bon socialiste, Guérini, un garçon qu'a jamais été à droite, un
mec bien quoi. Remarquez, moi j'en ai rien à foutre, je vote Mélanchon, un homme
de gauche, un vrai, avec des couilles et de la descente et qui comprend l'ouvrier,
au moins, un type comme nous quoi. Allez, c'est la mienne, Edouard, à la santé de
Méluche!
Bref, je vous passe le reste. J'ai réussi à me tirer après la quatorzième ressucée.
Le vélo m'a ramené, même s'il a fallu lui donner un coup de main dans la côte.
Mais j'étais content. Content d'avoir fréquenté le Souverain. Entendu la parole de
celui qui détient les clés de notre avenir : le bon peuple!
Hélas, dans l'état où vous me voyez, je me trouve dans l'incapacité totale de
procéder à l'analyse des enseignements reçus. Peut être cela vaut il mieux.
Et en plus, je n'ai jamais su ce qu'il voulait me dire, Jean Foupallour!
Bonne nuit à vous aussi.
Et merde pour qui ne me lira pas.